La fête impériale à Champollon

Récit par Louise Durand d'une soirée de musique donnée par les Gilardin au château de Champollon sous le Second Empire.

On avait fait venir un violon de Bourg, on avait prié M. Favre [-Gilly] de se mettre au piano. M. [Jules] Bonnet ayant amené M. Luigini1 et Luigini se prêtant avec complaisance, alterna avec Auguste Favre …     Mme Gilardin m’a dit qu’il lui avait manqué 5 ou 6 personnes, des jeunes dames et que le bal eût été plus brillant. Mme Maupetit avait accepté et le matin se dédit. Il y avait donc Mme Favre, sa fille et son fils, son mari absent, Mme Brolemann; les deux demoiselles Bertet mariées, les noms sont Barrelier et Dufour ; Valérie [Framinet], son père, sa mère, son frère et une dame de Trévoux… Suzanne [ de Latour], moi, Mme Barras, Mme Jeantet, et de chez M. Gilardin2, sa femme, sa fille, la cousine de Lauzanne et Mme Brun de Villeret, les trois fils de M., le fils de Mme ; M. Joseph Bonnet, Jules, Eugène et Mme Anaïs [Bonnet] ; M. de la Chapelle; M. Panet fils, M. Pauly fils : enfin  toute la jeunesse de Saint-Jean-le-Vieux.

Photo du château de Champollon sur les hauteurs de Varey, hameau de la commune de Saint-Jean-le-Vieux, dans l'Ain.
Le château de Champollon sur les hauteurs de Varey, hameau de la commune de Saint-Jean-le-Vieux, dans l’Ain – Photo : Edgar Pansu

Je vais te dire les toilettes. Mme Anaïs [Bonnet], magnifique, la robe que tu lui as vu chez M. Bonnet, même coiffure, elle était certainement jolie, un peu trop grassette… Suzanne [de Latour] avait la robe grise couverte de fort belles dentelles noires, robe très basse, berthe noire… coiffure de roses et d’une herbe noire, ses bracelets, ses bijoux et au col ce grand collier de deux rangs de fausses perles, un bracelet par-dessus, un petit mantelet blanc très court garni de franges blanches… Mme Brolemann était très bien de tournure, coiffée avec des roses et deux grosses boucles par anglaise le long des joues ; robe très basse ronde ; un large ruban vert attaché sur le cœur à la ceinture… Mme Favre était remarquable par sa parure, robe en popeline, je crois, basques trop courtes pour son volume, robe haute mais ouverte devant, point de fichu, les plus beaux points d’Angleterre ; poche manches ouvertes garnies de même dentelle ; tous les diamants de la chrétienté en épingle au corsage et puis un collier de sept ou huit rangs de perles fines ou pas fines et un fermoir de diamant, le tout étalé sur un certain col que tu sais… Mme de Villeret, grande, grosse et jolie, avait une robe marron, ouverte devant et des noeuds de ruban roses… M. Grandperret3 n’est point venu, Mme avait une moire ancienne, bleu de ciel.

Tu connais ce grand salon, la partie du fond était ouverte, les deux consoles étaient couvertes chacune d’un immense bouquet de fleurs. Le grand piano entre deux des trois fenêtres flanqué d’une grande jardinière pleine de fleurs. A cette porte du milieu toute grande ouverte, qui unissait les deux salons étaient suspendues cinq lanternes, une bleue, deux rouges et deux blanches ; c’était de ces lanternes de papier qu’on tient à la main et qui grandissent ou se rapetissent.  Sur la cheminée, aux deux bouts, deux colonnes tronquées en albâtre et dedans brûlait une lampe, un lustre au milieu qui portait trois boules. C’était trop petit et puis des lampes partout… Les sirops abondants, les petits gâteaux fort divers, les oranges remplissant des compotiers, du café, du lait d’amandes, du thé, du vin de Bordeaux, des sandwiches. Je n’ai point vu de punch. Nous nous sommes en allés à une heure, on a dansé jusqu’à quatre.

Mais je ne t’ai rien dit de la belle des belles. Elle était à l’angle du petit salon : là se faisait le premier bonjour. M. G[ilardin] vous prenait et vous emmenait dans le grand. Nous voilà reçus par Madame, placés par Monsieur. J’ai trouvé Monsieur comme toujours un peu raide, un peu gourmé mais enfin gracieux. Madame m’a semblé très bienveillante, gracieuse pour tout le monde… Robe de mousseline blanche, longue et ample, garnie devant d’une magnifique angleterre, faisant tablier, et de gros noeuds de rubans blancs le long de la jupe ; la taille haute derrière, ouverte devant…; une herbe dans les cheveux avec des roses de chaque côté, sans feuillage…

Mais au reste,  c’était très bal et les toilettes fort belles…

Lettre de Mme H. Durand à sa fille (extraits), 17 octobre 1853. Papiers Olphe-Galliard

  1. Alexandre Luigini était un musicien lyonnais de renom. Voir sa page Wikipedia ↩︎
  2. Alphonse Gilardin, propriétaire du château de Champollon et premier président de la cour d’Appel de Lyon. Voir sa page Wikipedia ↩︎
  3. Théodore Grandperret, substitut du procureur général de Lyon. Voir sa page Wikipedia ↩︎

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