Une toilette noire, « propre, nette, sévère, magistrale, un peu puritaine »

Louise Durand décrit ici la toilette de la femme d'un procureur général, avec beaucoup de détails incluant la "mise en scène" de son salon.

Hier, nous avons fait quelques visites et entre autres une à Mme Gaulot, notre procureuse générale dont on appelle le mari le traître Golo, qui est le nom de l’intendant du mari de Geneviève de Brabant1.
Enfin Mme Gaulot et non Golo a été charmante. C’était son jour de lanterne magique, elle reçoit tous les jeudis mais je voulais te dire la toilette de la dame et la mise en scène de ce salon.

Le vernis est blanc, les moulures sont dorées, les panneaux sont en magnifique étoffe de soie jaune, les rideaux, les fauteuils pareils. De grands vases de fleurs sont disposés ça et là avec art. Quelques fauteuils sont en cercle autour du feu. A un coin de la cheminée, tournant le dos aux fenêtres, un grand canapé clôt le cercle. Là est assise la maîtresse de la maison, de façon que sa vaste robe couvre tout ce canapé. Cette robe est un taffetas, un gros grain, un drap de soye noire; tout ce qu’il y a de plus fort, mais très mat, point de brillant. Cette longue jupe, qui a une queue immense et presque point de plis en haut, est serrée à la taille par une ceinture large de deux mains, nouée derrière par deux grandes boucles et deux très longs bouts flottant. La taille est juste serrée à la taille2 fermée au col, il sort un petit col de baptiste qui dépasse le tour de col de la robe. Les manches sont longues, étroites, viennent au poignet et sont dépassées par une petite manchette plate de baptiste qui forme un petit bordé. Les cheveux sont relevés tout autour du visage et gonflent un peu, mais très peu. Le derrière de la tête est orné d’un petit chignon entouré d’un étroit ruban ponceau.

J’ai trouvé cette toilette propre, nette, sévère, magistrale, un peu puritaine. Autrefois, une dame aurait eu de jolis rubans roses ou bleus, quelques fleurs, des blondes ou des dentelles, un petit bout de col. Mais aujourd’hui, tout ou rien, ou l’on est presque nu, ou c’est à peine si l’on voit le bout de votre nez. Juste assez pour vous reconnaître et voilà tout…

Lyon 10 janvier 1868.

Lettre de Louise Durand à sa tante, Mme Durand-Valesque, Papiers Olphe-Galliard.

  1. Référence à l’opérette d’Offenbach Geneviève de Brabant dont une version venait d’être présentée à Paris. ↩︎
  2. Le mot taille est employé ici dans le sens habituel et dans le sens ancien de partie du corps (et du
    vêtement) comprise entre épaules et hanches. ↩︎

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