Londres vue par Claude-Joseph Bonnet

Le soyeux lyonnais visite la capitale britannique en 1848. Il ne tarit pas d'éloges sur ce qu'il considère comme la nation la plus puissante d'Europe.

Pendant huit jours entiers et d’un tems superbe, j’ai parcouru cette grande cité, laquelle mérite bien qu’on vienne la voir pour bon nombre de causes, d’abord par son importante population qui est d’environ 1 500 000 habitants, par son immense commerce dont on ne peut guère se faire une juste idée, par ce grand mouvement qui dépasse sensiblement celui de Paris, que tu connois, par une richesse étonnante qui s’y montre de toute part, on y voit une multitude de voitures, outre les cabriolets, les fiacres et les omnibus qui y fourmillent, on y voit un nombre considérable de très belles et brillantes voitures particulières.

Tableau de Carl Haag, vue de Londres en 1848
Carl Haag, vue de Londres en 1848


La résidence royale ne vaut pas les Tuileries à beaucoup près, il y a néanmoins des édifices d’une beauté remarquable, d’un grandiose rare, mais ce qui fait l’admiration des étrangers, ce sont les docks remplis de navires de toutes les nations, ces vastes entrepôts de marchandises, cette quantité de bateaux à vapeur dont une partie sont uniquement réservés pour faire sur la Tamise le même service que les omnibus font dans les rues.

Les rues sont en grande partie belles et surtout très larges, ce que j’ai trouvé d’enchanteur, ce sont les quartiers neufs, bâtis depuis moins de dix ans, nos plus belles rues de Lyon, comparées à celles-là, sont laides et sombres.

Illustration en couleurs représentant Fleet Street en 1848.
Fleet Street en 1848, par Granger.

Aux avantages de la beauté et de la richesse de cette ville, il y en a d’autres que je prise fort, ce sont ceux du contentement et de la paix que l’on remarque chez tout le monde, soit sur la mine, soit dans les entretiens, ils ont ce qui nous manque, une sécurité parfaite, une confiance entière dans le gouvernement, aussi cette sécurité, cette confiance portent les maisons aux grandes entreprises à l’intérieur et à l’extérieur du royaume. Il est vrai que l’esprit dont ce peuple est animé les y porte. Ce qui me semble ne pas être douteux, c’est que cette nation est la plus riche, la plus puissante de l’Europe, même du monde entier, voilà qui est l’œuvre des hommes de ce pays. Mais ce qui est aussi fort intéressant sur cette terre de la Grande Bretagne, ce sont les dames et les enfants, on peut y faire de précieuses remarques, depuis la classe pauvre jusqu’à la plus élevée, chacune dans leur position. Les opulents font une grande dépense et généralement avec beaucoup d’ordre et de goût. Les enfants y ont une bonne tenue, de bonnes manières, presque tous sont bien de figure, de taille et de santé, c’est ce qui m’a paru de toute part et particulièrement chez M. Candy, chez qui j’ai diné avec M. Arnaud, de Lyon et M. Chartron de Saint-Vallier, tout étoit bien, très bien dans cette maison, le Mr, la Dame, les enfants, la société et de plus la campagne, la maison, l’ameublement, le service de la table, puis la soirée qui a été ravissante, on y a fait de la bonne musique. Un autre négociant m’a mené à Richemont lieu de plaisance pour les habitants de Londres, nous étions trois dames et quatre messieurs, j’y ai passé un fort agréable après-midi, j’ai été reçu chez un autre riche négociant, j’y ai remarqué, outre une bonne tenue de maison, un très grand luxe de table. A l’égard des Anglois qui appartiennent à la classe inférieure, elle se distingue par une grande assiduité au travail et par une grande déférence, un grand respect pour ceux qui sont au dessus d’eux, tout ici est bien tranché entre les classes. Une chose qui me frappe à Londres, c’est la bonne administration des maisons de commerce, mais je n’en finirois pas si je voulois t’écrire tout ce qui m’a intéressé chez ce peuple, que si peu de personnes connaissent en France. Je voudrois en savoir la langue et y venir une fois l’an, mais ce que je ne voudrois pas, c’est d’y venir pour la cause qui m’y vient d’amener…

Mai 1848

Lettre de C.J. Bonnet à sa fille Adèle, Papiers Duchamp, Bussière.

Claude-Joseph Bonnet spéculateur

En fonction des ventes et du prix de la soie, Bonnet pouvait se retrouver en excédent de trésorerie ou en manque de matière première. Il cherchait alors à placer des fonds à court ou moyen terme. Explications dans trois lettres

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