Par les octrois des villes
1) Vous forcez l’industrie de s’éloigner de son centre, du quartier général de ses directeurs, de toutes les aides que la civilisation leur a offertes, de tout le concours du progrès des arts, pour ? pour chercher la vie à meilleur marché que, sans les octrois, elle eût trouvé au sein de toutes ces aises et tous ces avantages.
2) Par suite des effets des octrois, les ouvriers de Lyon se sont rués sur les paisibles manufacturiers des campagnes, et cette guerre et les justes sujets de mécontentement continueront. Avec ces octrois, chaque branche souffre, même celle des modistes ne peut vivre. Par les octrois, le chef de commerce surveille mal son monde, qui est éloigné de lui et paye des transports.
3) Par les octrois, le pauvre paye l’impôt communal, non pas proportionnellement, mais autant que le riche; car il boit autant et même plus de vin et mange presqu’autant de viande que lui.
4) Par les octrois, certain qui par bonne santé ou par avarice ne boira pas de vin, ne mangera pas de viande, jouira de tous les travaux, de toute la protection de la police, de tous les avantages de la ville et ne payera rien. Injustice criante !
5) Par les octrois, la ville payera un tas d’êtres inutiles et fainéants à ses portes, qui tourmenteront les passants, leur feront ouvrir leurs malles, leurs poches, leurs paniers et s’amuseront à tâter vos femmes. Le voyageur perd plus de tems [sic] aux portes de Paris que pour faire quatre lieues.
6) Par les octrois, une classe de contrebandiers nocturnes ne vivra que d’un commerce de fraude et se fera à une école de brigandages, autres êtres oisifs et malfaiteurs qui vivent par les octrois aux dépens du public; car sans les octrois il faudroit bien qu’ils vivent comme les autres, en créant ou en faisant quelque chose d’utile.
Toutes ces preuves me sont venues en tête par le frottement de la discussion qui a produit la clarté comme deux nuages électriques produisent l’éclair, mais qui comme la foudre détruisoit les amitiés.
Victor Bonnet, Journaux et notes diverses, vers 1848, Papiers Cossieu