Je suis arrivé à bon port comme vous devez le présumer et je n’ai rien eu de plus pressé en mettant le pied à terre que d’aller m’assurer de mes propres yeux de ce que la rumeur publique nous avait déjà appris. Je ne m’attendais certainement pas à trouver tant de dégats. Le feu et la mitraille ont rendu hideux l’aspect de certaines rues. Dans celle de l’hôpital, les débris de deux maisons incendiées fument encore et depuis les Terreaux jusqu’en Bellecour, la plus grande partie des rues est disloquée. Partout on marche sur les débris des vitres qui dans beaucoup d’endroits ne sont pas encore remplacées. A mon arrivée, des dragons bivouaquaient encore sur la place de Bellecour, où une grande partie des arbres ont été coupés pour faire du feu. Partout les maisons sont criblées de balles. Tout enfin annonce ici le lendemain d’une révolution. A l’hopital civil, il y a maintenant plus de 150 blessés et peut-être davantage à l’hôpital militaire. On compte à peu près 300 à 400 morts…
Lyon, 22 avril 1834.
Lettre d’Eugène Bonnet à son père à Jujurieux, Papiers Cossieu