Achat direct d’une robe à la fabrique

Taffetas ou poult de soie ? A l'heure de commander pour sa nièce une pièce de tissu directement au fabricant, Madame de Latour s'interroge.
Planche en couleurs de La Mode Illustrée de 1862 montrant deux femmes habillées à la mode de l'époque.
La Mode Illustrée, 1860. La femme de gauche porte une robe en taffetas gris de perle et un paletot de taffetas noir; celle de droite porte une robe en gaz de soie rose et un mantelet de taffetas noir.

Ma mie, je me suis occupée avec beaucoup de plaisir de ta commission de robe, je t’ai transmis l’avis de Jules1, le moment n’est pas aux poults de soie. Messieurs les fabriquants [sic] ne veulent pas en entendre parler et cependant je trouve comme toi que c’est une très belle étoffe, je le disais à Jules depuis que je t’ai écrit et il m’a répondu plutôt une robe d’un beau taftas [sic] qu’un poult de soie, cette étoffe se coupe toujours. Mais il sera charmé de faire ta commission. Ecris-moi à quoi tu te décides, je le transmettrai à Jules qui fera ta commission avec beaucoup d’empressement. Mais si tu n’es pas très pressée d’avoir ta robe, j’irai sûrement à Lyon dans la semaine qui suivra le jour de l’an. Nous pourrions aller en trio avec ta mère chez Jules et aussi chez son oncle Joseph2, qui n’est pas non plus pour le poult de soie. La semaine dernière, Mme Maupetit3 est allée lui demander une robe, il la lui a choisie lui-même, c’est une très belle étoffe très épaisse, qui se tient toute droite et qui est d’un fort beau noir. Mais je crois qu’elle ne te plairait pas. Il me semble que cette étoffe tient un peu du satin princesse dont nous avons chacune usé une robe. Seulement l’étoffe de Mme Maupetit est plus épaisse que les nôtres. Je crois que cela fera une très belle robe. Celle que j’ai usée, que je crois être de la même étoffe, m’a fait beaucoup de plaisir et beaucoup d’usage. Dans le cas où tu voudrais la robe de suite, tu ferais bien d’aller toi-même avec ta mère dans le magasin de Jules et dans celui de son oncle. Ils seraient charmés de vous voir, ils vous donneraient leur avis qui est sûrement très éclairé et feraient avec beaucoup de plaisir ce que vous désireriez. Mais si tu peux m’attendre, je serai charmée de faire cette course avec toi, ou bien écris-moi ta commission pour que je la donne à Jules et il te l’enverra de suite…

Lettre de Mme de Latour à Mme Fayard, sa nièce, Jujurieux, s. d. (entre 1850 et 1860), Papiers Olphe-Galliard.

Cette lettre décrit la démarche des achats en fabrique. Si elle était datée avec précision, elle permettrait de mieux apprécier les remarques sur le poult de soie. L’étoffe de Mme Maupetit n’est-elle pas une faille, une étoffe nouvelle qu’on ne nomme pas encore ? Dans ce cas, la lettre serait de 1860.

  1. Le fabricant Jules Bonnet ↩︎
  2. Claude-Joseph Bonnet ↩︎
  3. L’épouse du baron Maupetit, maire de Jujurieux. ↩︎

Claude-Joseph Bonnet spéculateur

En fonction des ventes et du prix de la soie, Bonnet pouvait se retrouver en excédent de trésorerie ou en manque de matière première. Il cherchait alors à placer des fonds à court ou moyen terme. Explications dans trois lettres

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