Antoine Richard: « la maison peut faire et doit faire du bien »

Le dirigeant de la maison Bonnet Antoine Richard adresse une lettre aux employés en 1872, afin d'apporter des précisions sur le règlement de la succession de l'affaire, qu'il considère, comme ses prédécesseurs, comme une "grande famille".

Je désire vous apprendre moi-même le règlement de nos affaires plutôt que de vous laisser parvenir une nouvelle que vous ne sauriez peut-être comment apprécier. Je suis heureux de pouvoir vous dire aujourd’hui que, grâce à un acte notarié que nous venons de signer, la liquidation de la succession de M. C.J. Bonnet se trouve complète et la position de la Maison de commerce sérieusement affermie.
Jusqu’à ces jours derniers, si la mort fut venue surprendre un des enfants de M. C.J. Bonnet, sa succession non liquidée, non réglée par un acte notarié, eût plongé les deux gérants de la Maison dans des difficultés fort embarrassantes à résoudre, surtout en présence d’enfants mineurs.

Nos instances ont été nombreuses pour rendre notre position régulière et définitive. Nous n’avons pas pu réussir plus tôt. Aujourd’hui cette perspective de difficultés qui a été si pénible, surtout l’an dernier, se trouve dissipée par cet acte notarié. En outre, un nouvel acte de société a été signé en même temps, et j’ai la satisfaction de dire que la nouvelle société faisant suite à la première se trouve dans des conditions exceptionnellement bonnes de toutes façons.

La famille de M. C.J. Bonnet a bien voulu se réunir dans une pensée commune d’aide, de protection et d’intérêt autour de la nouvelle société. Je me réjouis de voir se grouper à titre de commanditaire, la famille de M. C.J. Bonnet auprès de nos anciens collaborateurs. Je l’avais offert il y a longtemps, je l’eusse voulu voir plus tôt. Afin de pouvoir arriver à la conclusion d’un acte notarié, transmettant régulièrement cette succession, faisant cesser toute crainte de licitation forcée par le fait d’un décès, j’ai pris rang de commanditaire, au milieu de la famille et sur le même pied que chacun de ses membres, renonçant ainsi à ma position de chef et gérant de la Maison, à partir de fin mai 1873, date de l’expiration de notre société actuelle.

Je me mets au second rang avec la pensée qu’avait M. Joseph Cottin, mon beau-père, quand il se décida à dire qu’il avait aidé à la Maison dans la mesure da ses forces. Sa santé demandait des ménagements, il avait d’autres projets, il voyait à la vie un autre but. Je ne pourrai jamais trouver un plus bel exemple à suivre. M. C.J. Bonnet m’avait honoré de sa confiance et m’avait chargé en partie d’une grande tâche; je vous sais gré de l’avoir rendue moins lourde par votre collaboration dévouée. Je vous demande de continuer à voir en M. Cyrille Cottin, mon beau-frère, le Représentant des pensées et des désirs généreux de son grand-père, de reporter sur lui et nos anciens collaborateurs, qui forment la nouvelle société, le dévouement et l’affection dont vous êtes capables; afin que cette grande maison soit toujours une grande famille digne de perpétuer les traditions de son fondateur. Vous voyez, à la Maison, auprès de nos anciens associés, les cadres complétés par des hommes qui ont l’amour du travail et le sentiment du devoir, il est permis de compter sur leur expérience et leur bonne volonté.


Photographie du fabricant de soierie Antoine Richard
Antoine Richard, co-dirigeant de la maison Bonnet.

Je suis heureux de voir qu’un de vous, Messieurs, déjà ancien dans la Maison, va devenir un nouveau membre de la famille, s’alliant à une des petites filles de M. C.J. Bonnet1. Ce sera, je n’en doute pas, un motif puissant pour lui d’appliquer toute son intelligence et toutes ses forces à l’œuvre du fondateur de notre Maison. En continuant les traditions de M. C.J. Bonnet, la Maison peut faire et doit faire du bien autour d’elle. Maintenant je vous demande à tous de reporter sur ceux, dont la tâche est lourde par la responsabilité qu’ils assument, dont l’abnégation doit être grande pour se plier eux-mêmes au travail et au règlement qu’ils ont le devoir de faire respecter, la confiance et le dévouement dont vous m’avez donné de nombreuses preuves après mon ancien et regretté chef, ce dont je garderai le souvenir. Il m’est agréable de vous dire que notre acte notarié transmet définitivement à M. Cyrille Cottin et à Madame A. Richard la propriété indivise de la Fabrique de Jujurieux et de la suite du commerce de leur grand-père, et que mon rang de commanditaire me permet de ne point m’éloigner de vous.

L’intérêt dévoué que je porte à l’œuvre de M. C.J. Bonnet, en reconnaissance de sa confiance, restera pour moi le mobile le plus puissant pour entourer vos chefs et vous de mon affectueuse sollicitude.
La plus grande satisfaction que je puisse éprouver à l’avenir sera de voir la Maison se maintenir toujours ferme dans la voie de loyauté dans laquelle son fondateur l’avait solidement établie.

Agréez l’assurance de mes sentiments affectueux,
A. Richard
Lyon, Avril 1872.


Lettre de M. A. Richard à MM. les Employés de la Maison C.J. Bonnet, à Lyon et à Jujurieux. Papiers Richard.

  1. Joannes Pointet, qui épouse le 29 juin 1872 Claire, fille de Victor Bonnet. ↩︎

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