« C’est une petite clef qui pourra m’ouvrir des portes où le bon Dieu ne va plus frapper »

Dans une lettre à Mme Berne, fille de Cyril Cottin, le curé de Montréal, dans l'Ain, partage ses préoccupations face au déclin de la foi parmi la population.

Madame,

Je viens de recevoir la belle collection d’almanachs que vous avez bien voulu me réserver. J’en suis heureux pour mes paroissiens qui auront ainsi l’occasion de lire quelques histoires édifiantes, de voir peut-être se réveiller dans leurs cœurs les idées chrétiennes qu’ils oublient trop et dont ils ne viennent plus guère chercher l’écho dans les instructions de leur Pasteur, profondément attristé de leur indifférence pour le bien. L’occasion me sera fournie d’entrer dans certaines maisons, l’almanach à la main ; c’est une petite clef qui pourra m’ouvrir des portes où le bon Dieu ne va plus frapper hélas ! depuis si longtemps, elles sont restées sourdes à ses instances pleines de miséricorde. Où allons nous, Madame ? car la situation ne fait que gagner en imprévu, en incertitudes menaçantes pour la vérité et ses défenseurs. Dieu semble nous abandonner et permettre qu’au moment où nos ennemis sont déchaînés contre nous de toutes parts, des scandales honteux et retentissants 1 viennent encore ajouter à notre humiliation et détacher de la bonne cause les âmes bienveillantes jusque là, mais faibles dans la foi – qui ne savent point comprendre que l’humiliation et l’abandon apparent de la Providence sont des moyens qu’elle emploie pour renouveler ce qui était vieilli, pour réchauffer ce qui était tiède.

Portrait de Delphine Berne, avec sa fille
Delphine Berne, née Cottin, et sa fille.

L’année présente s’en va nous laissant au milieu des ruines morales et matérielles. L’année prochaine verra-t-elle le retour au bon sens, à la foi ? verra-t-elle la guérison ? C’est le secret de Dieu. Nous ne pouvons qu’implorer son secours seul efficace en ces grandes anxiétés, et agir, chacun selon nos moyens dans notre modeste sphère, pour obtenir que les desseins des méchants – déjà si avancés – n’arrivent pas à la fin sacrilège qu’ils se proposent et qu’ils ne se donnent plus la peine de dissimuler. La pieuse et charitable affection que vous portez à l’heureuse paroisse de Maillat, fait que maintenant les hommes de Dieu y annoncent la vérité. C’est un grand bienfait, surtout à l’heure présente. Et je prie tous les jours pour le succès complet de cette sainte croisade ; demandant également dans nos pauvres prières, que Dieu, par un juste retour, ne laisse point sans compensations, pendant ces jours de grâces, la famille si chrétienne qui, après lui avoir fait élever un temple digne de Lui, continue à s’intéresser si directement au salut des âmes.

Veuillez me rappeler aux souvenirs si bienveillants des vôtres, en partageant avec M. Cottin, tout l’hommage de mon respect,

A. Morellet

19 place Bellecour, à Lyon  – 19 décembre 1901.

Papiers Cottin, Berne, lettre de M. Morellet, curé de Montréal (Ain) à Mme Cyrille Cottin.

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