Claude-Joseph Bonnet spéculateur

En fonction des ventes et du prix de la soie, Bonnet pouvait se retrouver en excédent de trésorerie ou en manque de matière première. Il cherchait alors à placer des fonds à court ou moyen terme. Explications dans trois lettres à son père.

11 octobre 1814… Je me fais un vrai plaisir de vous apprendre que depuis que je suis établi, je n’ai pas encore travaillé si avantageusement. Les soyes ont encore beaucoup haussé et nos étoffes sont très demandées, ce qui fait que nous en tirons bon parti; mais me trouvant de la soye suffisamment, je n’en fais pas de nouveaux achats de quelque tems dans l’espoir que je l’achèterai meilleur marché cet hiver, d’ici à ce tems, il me rentrera beaucoup d’argent dont je n’aurai pas d’emploi, si par vous je pouvois faire une spéculation en bled1 avantageuse, je vous ferois passer 15 à 20 mille francs. Je revendrois ensuite lorsque vous le croiriez à propos, donnez moi, je vous prie, votre avis à ce sujet, je pense qu’il faudroit ne faire d’autre frais que de l’emmagasiner pour le vendre dans un autre tems plus favorable, voyez, je vous prie, si une telle spéculation pourroit de ma part se faire raisonnablement, si probablement j’en pourrois tirer du bénéfice, c’est l’inaction de mes fonds qui m’a donné cette idée, vous pouvez mieux que moi en calculer les avantages et les désavantages.

18 octobre… J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec vous dans ma dernière lettre de la satisfaction que j’éprouve actuellement de vendre mes marchandises très avantageusement, nos étoffes étant à un prix très élevé, je vous fais part aussi des craintes que j’ai d’une baisse à venir qui m’engage à n’acheter qu’à fur et mesure (sic) de mes plus pressants besoins pour ne pas être exposé de perdre à la baisse une partie de ce que j’ai gagné à la hausse, par là une partie de mes fonds reste dans l’inaction, pendant ce tems je voudrois s’il est possible les placer dans une marchandise où il n’y a pas à craindre de baisse, j’aurois à peu près trente mille francs de disponible, donnez-moi, je vous prie, votre avis à ce sujet, je sais la part que vous prenez à la réussite de mes affaires.

19 octobre… J’ai eu le plaisir de recevoir aujourd’hui par Charlin une lettre de vous… Je vous ai écrit hier par M. Willermoz, je vous y parle encore de ce dont je vous entretenois dans la précédente lettre que je vous ai adressée, que me trouvant dans ce moment des fonds surabondants, j’eus désiré les placer en une marchandise qui n’étant pas chère ne fut pas susceptible de baisse, et qu’en même tems ne demanda pas de soins pour la conserver, ce n’est pas ici un commerce auquel je veux me livrer, c’est seulement un argent que je veux placer pour une sixaine de mois et y trouver l’intérêt s’il est possible. Je ne tiens pas plus au bled qu’à une autre marchandise, je ne tiens même à rien si je ne puis placer ces fonds sans craindre de perdre, je les ferai valoir sur la place ou les garderai en caisse, ou rembourserai quelques dépôts. Si je vous en ai parlé, c’est seulement pour avoir votre avis. Vous savez que celui qui est dans les affaires a besoin dans bien des circonstances des lumières d’autrui. Je me suis adressé à vous, connaissant l’intérêt que vous prenez à moi, vous êtes mille fois mieux que moi à même de juger des avantages et des désavantages de ce dont je vous parlois et il suffit que vous ne me le conseillez pas, pour que je n’y pense plus… pour le bled dont vous me parlez, je vous remercie de la complaisance que vous avez de m’en faire l’emplette, faites ce que vous croirez convenable, les fonds sont à votre disposition.

Lettres de C.J. Bonnet à son père, Papiers Cossieu.

  1. Autre nom pour le blé. ↩︎

Le voyage des Voraces raconté par Louise Durand

Les Voraces, société ouvrière formée à la Croix-Rousse et constituée de canuts lyonnais, organisa une expédition à Jujurieux, les 17 et 18 mai 1848 à l’invitation du directeur Joseph Cottin. Leur objectif était de prouver que l’usine exerçait une concurrence

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