Lyon 9 avril 1863
Monseigneur,
Je me hâte de répondre à la demande que vous me faites.
Voici en dernier lieu ce qui m’a décidé à cesser nos rapports avec les Sœurs que nous avons à notre fabrique ; nous avons des sujets pour nous seconder, entr’autres des jeunes personnes, qui sont ce que nous appelons des sous Maîtresses, nos sœurs ont pu les décider à entrer à St Joseph, il nous a paru qu’elles y ont mis un grand zèle, si bien qu’en un tems assez court, elles nous ont pris 26 de nos filles qui nous étoient les plus utiles ; peut être ont elles eu de bonnes raisons pour le faire, car quoiqu’en cela, elles savoient qu’elles nous désobligeoient, il me semble qu’elles s’en applaudissent. Si elles ont mission de recruter des sujets pour St Joseph, nous n’avons pas la même, nous avons à nous préoccuper de veiller aux besoins de notre nombreux personnel et aussi de faire que ce grand établissement ne soit pas pour notre maison de Lyon une cause de désastre. L’ardeur que nos sœurs ont mis à désorganiser le personnel de nos sous Maîtresses a été si prononcé que leur tems (je le crois) étoit en grande partie consacré à ce travail. Une particularité, c’est qu’il y a eu deux camps, les méritantes, qui étoient celles destinées au couvent et celles qui ne le vouloient pas ou qu’on ne vouloit pas, ces dernières étoient rejetées, mal notées.
Ce qui précède me décide à rendre à Madame la Révérende Mère St Claude toutes les sœurs que j’ai chez moi.
Le parti que je viens de prendre est la suite de ce que je viens de vous exposer. Avant ce tems, j’avois un grief que j’avois sur le cœur, ceci étoit au sujet de Monsieur Gadel, il avoit déplu à nos sœurs, aussi à Madame le Révérende Mère, la chose étoit allée assez loin, pour me mettre sur la voye de vous demander le renvoye de M. Gadel. Mère St Claude me disoit, ce n’est pas un mauvais Prêtre, mais il a des vues bornées, il manque de vues élevées. Je ne fus pas par cela ébranlé, j’aimois, j’estimois M. Gadel, qu’il avoit l’affection, l’estime de ses confrères, en particulier celle de Mrs les Missionnaires, lesquels s’en sont ouverts à moi, ont blâmé la conduite de nos sœurs, ils n’ont pas craint de me dire que le bon esprit faiblissoit chez moi, par suite du manque d’accord entre les sœurs et M. l’Aumônier. Enfin, ce mésaccord a cessé. M. Gadel aura pu vous en donner la cause.
Ce qui m’a paru être, c’est que notre supérieure veut avoir de l’influence, qu’il lui en faut à toute force; M. Gadel s’oublie sans cesse lui-même, il ne cherche que le bien ; que ce bien arrive, il ne veut rien de plus.
C’est en toute simplicité que je vous expose ce que je sais. Vous saurez juger.
Quoique nos sœurs nous ayent rendu de grands services, je leur rends cette justice ; qu’en me privant de leur concours, je me prépare un rude travail, de nombreux désagréments, mon parti n’en est pas moins pris, je le dois, je m’y soumets.
Agréez les sentiments respectueux, Monseigneur, de votre très humble et très obéissant serviteur
C.J. Bonnet
Lettre de Claude-Joseph Bonnet à Mgr de Langalerie., Archives de l’ Evêché de Belley, Sœurs de Saint Joseph