Discours de mariage: époux Duchamp, 1845

Le vicaire Pavy marie Adèle Bonnet et Eugène Duchamp à l'église Saint-Polycarpe de Lyon en novembre 1845. Il prononce ce discours où il est attendu de la mariée qu'elle soit "soumise" et montrer un visage "doux et riant" à son époux.

Monsieur et Mademoiselle

S’il est pour vous dans la vie un moment solennel, c’est bien le moment présent. Tout ici nous atteste et nous révêle cette solennité, et ce lieu sacré qui vous ouvre son sein et vous prête son ombre et ces autels à jamais vénérables devant lesquels vous vous présentez, et l’entourage de vos familles, familles si recommandables et dans les membres qui les composent et dans les chefs qui les dirigent (chefs dont l’un a noblement servi la patrie au jour de notre gloire, dont l’autre, homme cher à nos cœurs a depuis longtemps mérité la confiance et surtout celle de notre église ; chefs qui ont tous deux attaché sur leur poitrine l’un par son génie militaire, l’autre par son génie industriel les honorables distinctions de l’état ; tout révèle cette solennité) et ce cortège si distingué choisi parmi l’élite de notre cité et la foule qui l’entoure et la présence du prêtre ministre de J.C., qui vous apporte lui, de son côté, avec son ministère, le double tribut de son estime et de son affection. C’est donc un moment bien solennel et une grande action que vous allez faire.

En effet il s’agit de vous unir l’un à l’autre par les liens sacrés et indissolubles du mariage et voilà pourquoi cet imposant appareil. Jusqu’ici vous n’avez fait que des préparatifs, vos cœurs se sont étudiés, se sont connus, se sont prédisposés l’un à l’autre, l’état a assuré les effets extérieurs de cette future union, mais l’union, le mariage lui-même il n’appartient de l’opérer qu’à celui qui est le maître des hommes J.C.N.S. et c’est là ce qu’il va faire en ce moment. Prodigieuse union que celle-là ! Elle va enchaîner tout votre être, elle va mêler vos cœurs, vos esprits, vos corps, vos fortunes, vos familles, votre sang, elle va jeter au même moule vos pensées, vos sentimens, vos goûts, vos espérances, elle va confondre vos deux existences en une seule existence, vos deux vies en une seule vie, vos deux noms en un seul nom et rien ne pourra désormais les séparer.

Le sang, jeunes époux, est le plus fort témoignage que l’on puisse donner, c’est l’affirmation élevée à sa plus haute puissance, voilà pourquoi jadis les peuples immolaient des victimes après leurs traités de paix, voilà pourquoi Dieu, quand il voulut faire alliance avec le peuple juif, ordonna à Moyse d’immoler des victimes, d’asperger de leur sang le peuple et le livre du testament. De même quand J.C. s’unit à l’Eglise comme à une épouse, il monta sur la croix, s’offrit pour elle à Dieu son père et l’arrosa d’un ruisseau de sang. aujourd’hui, jeunes époux, c’est aussi par le sang que va être formée, cimentée, scellée votre union, non pas par votre sang, mais par le sang précieux de J.C. lui-même, en effet dans un instant il va s’immoler pour vous sur l’autel, dans un instant il vous communiquera par le sacrement de mariage les mérites de sa mort et fera couler dans vos cœurs le sang qu’il répandit sur la croix. et vos deux cœurs soudés l’un à l’autre par ce ciment divin, entés l’un sur l’autre par cette greffe céleste, scellés à tout jamais par un indestructible sceau se développeront, s’épanouiront, se multiplieront, toujours unis, toujours liés, inébranlables aux vents et aux tempêtes, ni l’égoïsme, ni la noire jalousie, ni les revers, ni le temps, ni les efforts du monde, ni ceux de l’enfer ne pourront affaiblir ce lien saint, diviser ou entamer ce que Dieu aura si fortement unis, quod deus compunxit homo non separet.

Vous trouverez, jeunes époux, des joies, des charmes ineffables dans l’association de vos deux vies ; il vous sera donné d’épancher vos âmes dans les secrètes effusions de l’amitié et de soulager vos peines et de doubler vos jouissances en les mettant en commun. Il vous sera doux de vous reproduire et de renaître dans vos enfans, de vous entendre appeler des noms de père, de mère, noms qui résonnent si bien à l’oreille du cœur. Mais il faut vous le dire aussi, les véritables jouissances surtout celles du mariage ne se trouvent que dans les vertus et l’accomplissement du devoir.

Vous aurez donc Melle des devoirs à remplir envers votre époux, il vous faudra être soumise, bonne, prévenante, aller à sa rencontre et lui montrer après ses travaux un visage doux et riant qui le délasse des peines et des fatigues de la journée.

Vous Mr vous devez aimer votre épouse, sans doute ce devoir vous paraît doux et facile, mais il faudra que cet amour repose plus sur la foi que sur la nature, en conséquence vous l’aimerez non pas d’un amour commun ; mais d’un amour surnaturel, comme votre propre chair, comme l’os de vos os ; comme vous-même, il faut que vous l’aimiez d’un amour constant que les contradictions n’abaissent pas, que les dégoûts n’atteignent pas, que le temps ne ronge pas, qui dépasse la tombe et s’en aille jusque dans l’éternité ; il faut que vous l’aimiez d’un amour généreux qui vous fasse sacrifier pour elle vos affections privées, vos liaisons extérieures, vos propres goûts, qui vous fasse sacrifier tout excepté Dieu ; j’excepte Dieu ; mais après lui elle doit être le centre de votre cœur et l’unique amour de votre âme.

Après votre époux, Melle, vous vous devrez à votre famille. De même que Dieu a voulu transmettre la vie physique par les époux, de même c’est par les époux chrétiens qu’il communique la vie mille fois plus précieuse de la grâce, la vie chrétienne. Ce sera à vous, à vous surtout, jeune épouse, de former vos enfans, de leur apprendre sur vos genoux à bégayer et aimer les Saints noms de J. et de Marie, à vous de leur faire connaître de bonne heure les principes de la foi et de la morale chrétienne, de leur montrer le ciel comme la récompense de leurs jeunes vertus.

Vous Mr vous confirmerez les leçons de la mère, vous les sanctionnerez par votre parole et par vos exemples ; votre autorité de père sera toujours en harmonie avec l’autorité de la mère et dans vos paroles comme dans celles de votre compagne, vos enfans ne verront jamais qu’une seul et même idée, celle de la vertu.

Melle, vous aurez encore des devoirs en dehors de la famille, la femme pieuse n’a-t-elle pas pour enfans les pauvres de J.C. Ah ! votre cœur tressaille d’une sainte joie à ce mot de pauvres ! Oui la charité des femmes chrétiennes et surtout des dames lyonnaises, fait l’admiration de tout l’univers. Vous n’oublierez donc pas pour votre part la famille de J. C. Au lieu de dépenser votre superflu en frivolités, en festins, en parures exagérées, vous aimerez à le répandre dans le sein des pauvres, des membres souffrans de J.C. ; vous aurez pour les indigens une petite bourse à part et vous économiserez pour eux comme vous le feriez pour vos enfans. au lieu de perdre le temps ainsi que les femmes mondaines dans les soirées, dans les bals, dans les théâtres, vous l’emploierez à travailler pour les indigens, à visiter les infirmes, à consoler les affligés ; pour tout dire en un mot au lieu d’être une dame du monde, vous serez une dame de charité .

Et vous Mr, vous avez aussi des devoirs à remplir vis à vis de la société. S’il est vrai que tout chrétien doit être soldat, c’est surtout aujourd’hui, aujourd’hui que l’Eglise a tant d’ennemis, que les passions de l’enfer semblent se déchaîner contre elle. Vous saurez donc soutenir les dogmes attaqués, venger ses ministres insultés, porter haute et fière la bannière de J. C. Mais pourtant, au siècle où nous vivons, il ne suffit pas d’être soldat, il faut de plus être apôtre. Aujourd’hui que tous se remuent, s’agitent pour le mal, il faut que les chrétiens se remuent et s’agitent pour le bien. Il y a dans ce monde tant de coeurs faibles, tant d’intelligences malades, tant d’âmes inquiètes à qui il ne manque que Dieu ; un exemple venu de haut, une parole dite à propos suffiront souvent pour fortifier les faibles, pour éclairer les aveugles et donner aux âmes vides ce Dieu qui leur manque ; Jeunes époux il faut que vous soyez là pour donner ce bon exemple, là pour jeter cette parole dans la balance du cœur chancelant et sauver l’âme de votre frère. – Cette fiancée, elle est toute prête, il y a longtemps qu’elle a façonné son cœur au devoir et à la pratique des plus hautes vertus. Jeune homme sans doute vous êtes prêt aussi, vous serez bon époux, bon père, bon chrétien, eh bien donnez vous l’un à l’autre car vous êtes digne l’un de l’autre. Je ne retarderoi pas plus longtemps l’heureux instant qui doit vous unir.

Tous nous avons hâte de le voir arriver, vous, jeunes époux parce que vous savez qu’il sera la source de votre bonheur ; toute cette assemblée parce qu’elle s’intéresse à vous et qu’elle n’ignore pas tout ce que la société peut en retirer de bien ; l’Eglise enfin, car elle est heureuse de voir les familles chrétiennes se multiplier et se propager, et elle se flatte d’avoir en vous et en chacun de vos rejetons des enfans fidèles, de fermes et nobles défenseurs.

Discours prononcé le 11 novembre 1845 à Saint-Polycarpe, Papiers Duchamp, Bussière 

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Généalogie

Ce tableau présente la liste des familles répertoriées comme faisant partie de la descendance de Claude-Joseph Bonnet en 2024, selon l’état de nos connaissances. Il est, par nature, incomplet tant il est impossible d’atteindre l’exhaustivité. Tout lecteur peut y contribuer en adressant un message via notre formulaire de contact. Pour une lecture optimale sur

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