DIY: démonter et remonter une robe de taffetas noir

Ce mode d'emploi pour réutiliser une robe de soie, écrit sous forme de lettre par la rédactrice en chef de la Mode Illustrée, témoigne du recyclage des étoffes au XIXe siècle.

Si j’en crois tes réclamations, le moment est venu de t’initier aux combinaisons de toilette que je projette pour cet été. Que ta volonté soit faite ! J’entre en matière sans autre préambule.
J’ai tout d’abord fait découdre deux anciennes robes de taffetas noir, et les ai soumises au traitement du café noir, qui leur restitue une vigueur nouvelle, un éclat particulier, et leur permet de fournir honorablement une nouvelle carrière… Je tiens la recette d’une amie, qui en avait reçu la confidence d’un fabricant de soieries.

On découd tous les lés d’une robe de taffetas noir, ou du moins les plis du haut et fourlet du bas; on prépare le café noir comme s’il s’agissait de le prendre après le diner; on s’approvisionne d’une petite éponge, et avec son aide on humecte un lé avec le café tiède; on repasse aussitôt à l’envers, en employant un fer chaud. Ce n’est pas plus difficile que cela.

L’une de mes robes de taffetas noir a été refaite avec un volant découpé de chaque côté, et posé à tête, un peu au dessus du bord de la robe; ce bord dépasse le volant de deux à trois centimètres; la tête du volant est marquée par une légère passementerie mélangée de jais. La robe est à queue, mais elle a des tirettes, qui permettent de la raccourcir pour la rue; elle est recouverte par une robe plus courte, faite en grenadine noire, gamie d’un volant de taffetas pareil à celui de la robe, mais plus étroit (c’est-à-dire de trois centimètres de hauteur, tandis que celui de la robe en a six). Sur chaque côté du lé de derrière, la couture de ce lé est relevée par un gros chou en taffetas noir découpé, deux choux pareils par devant, mais relevant la robe plus haut que ceux de derrière. Ceinture ronde, en taffetas recouvert de grenadine avec deux longs pans, se croisant sur la jupe sous un chou. Corsage de taffetas noir, décolleté, à manches courtes; corsage montant, en grenadine noire, avec manches longues. Point de lingerie avec cette robe dentelle noire, étroite, au col et aux poignets, ceux-ci gamis de taffetas. Pour compléter cette toilette, Mme Fladry a fait un mantelet également en grenadine noire, à pans croisé par devant, mais non par derrière… La robe de grenadine sera la toilette de résistance des jours déshérités de soleil.

Il en est qui sont pires encore: pluvieux. La deuxième robe de taffetas noir, dépouillée d’une garniture un peu ambitieuse, refaite en simple jupe, se boutonnant sur un jupon pareil, est consacrée à ces jours, où l’on est exposée à recevoir une pluie fine, obstinée, et les éclaboussures qui en sont la conséquence. Ladite jupe sera portée, suivant l’occurrence, avec un paletot de taffetas noir, ou de cachemire noir. Avec cette jupe, je mettrai soit une chemisette de foulard écru, soit un corsage blanc. en nansouk, sous l’un des deux paletots; fun et l’autre font partie de mes provisions, tout comme les deux robes de taffetas noir. Il n’y a rien à porter au compte de la dépense, rien de plus que douze mètres de grenadine noire, à 3 fr. le mètre.

Lettre à une amie, Emeline Raymond, La Mode illustrée, Dimanche 26 avril 1868.

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