« Je t’engage donc à redoubler d’amour pour notre père et de soin pour sa félicité »

Alors que Jean-Baptiste Bonnet tente de faire payer un loyer à sa fille Mariette qui habite chez lui, Claude-Joseph tente d'apporter son soutien à sa sœur sans s'opposer à la volonté paternelle.

A l’égard de mon père, tu dois agir avec bien de circonspection, tu n’as pas seulement tes intérêts à voir, mais encore et particulièrement les devoirs que la Providance peut demander de toi. Consulte à ce sujet ta conscience, sage comme tu es, elle te conseillera mieux que qui que se soit. Que l’intérêt ō ma chère Mariette ne nous fasse jamais faire de sottise. Je sens qu’il n’est pas juste quand, travaillant avec tant de zèle et d’assiduité que tu fais, on te fasse payer une pension, des étrangers même ne le feroient pas. Mais c’est ton père, il croit peut-être que tu ne lui es pas utile. Cette pensée ne peut pour toi qu’être bien dûre et très décourageante. Cependant, si tu sais supporter de si grandes peines, si ton devoir t’y attache et que malgré les difficultées, tu les remplisse avec fidélité et sans murmure, le ciel t’en récompensera. Il te donnera des forces pour supporter tes peines, tes peines mêmes par la résignation feront un jour ta consolation, en pouvant te rendre à toi-même le témoignage si glorieux : j’ai fait ce que je devois faire, malgré les difficultées. Je n’ignore pas que ces difficultées sont quelques fois si fortes qu’il est presque impossible de les supporter. Mais tu sais, et ne l’oublie jamais, que tu as en moi un bon frère, prêt à faire pour toi tout ce qui sera en mon pouvoir. S’il t’es trop douloureux de payer une pension en fesant tout ce que tu peux pour le bonheur de notre père, je t’aiderai à la payer sans qu’il le sache. Je t’engage donc, chère et bien aimée Mariette, à redoubler d’amour pour notre père et de soin pour sa félicitée, qu’il voit que si tu ne fais pas davantage, c’est qu’il t’es impossible de faire plus. Le ciel, comme je t’ai dit, bénira tes efforts et du sein de tes peines sortira des consolations que nulle fortune ne sauroit te donner…
Si tu veux me faire bien plaisir et un grand plaisir, c’est de me répondre par le premier courrier, parles moi à cœur ouvert, tu sais que je sais garder un secret.

Lettre de C.J. Bonnet à sa sœur Mariette, 17 octobre 1814,Papiers Cossieu.

L’orthographe a été respectée; la ponctuation a été rectifiée.

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