“Nous l’emportons sur la canaille”

Louis Bonnet, frère de Claude-Joseph, raconte une manifestation libérale à Lyon en 1821, à l'occasion d'élections que certains estiment truquée.

Les élections du département du Rhône ont été terminées hier; elles ont eu pour résultat à Lyon la nomination de deux députés qui siègeront à l’extrême droite. Dans le public on répand le bruit que ces nominations sont dues aux machinations de l’autorité qui aurait retranché de la liste plus de cent électeurs libéraux et qui aurait introduit un plus grand nombre d’individus ne payant pas le cens électoral qui ont voté en faveur des députés ultras. Ces faits connus depuis la veille laissaient de grandes inquiétudes. On attendait avec anxiété le dépouillement du scrutin lorsque deux électeurs royalistes sont descendus de la salle en proférant le cri de vive le roi nous l’emportons sur la canaille; au premier cri, on a gardé le silence, mais au second on y a répondu par celui de vive la charte qui a été répété par toutes les personnes qui étaient sur la place des Terreaux; il y avait beaucoup de monde dans ce moment et l’on peut dire avec vérité que c’est tout ce qu’il y a de mieux dans la ville. Le tumulte est allé en croissant, la foule est devenue toujours plus grande. La troupe est arrivée; la cavalerie a chargé, les jeunes gens ne se sont pas effrayés, la place des Terreaux a été cernée, on a reflué dans les rues et les places adjacentes. Les cris de vive la charte se renouvelaient à chaque instant. Il était dix heures du soir que la foule était aussi considérable. Enfin la pluie et la nuit ont fait ce que la force armée n’avait pu faire, on s’est retiré peu à peu. Quelques jeunes gens ont été arrêtés, heureusement il n’y a presque personne de blessé, et cette scène déplorable qui n’aurait pas eu lieu sans l’imprudence de ceux qui avaient été vainqueurs dans les élections, n’a occasionné aucun malheur réel.

Lyon 11 mai 1821.

Lettre de Louis Bonnet, l’avoué, à son père à Jujurieux, Papiers Cossieu.

Le terme “canaille” vient du mot latin canis : chien. D’où le caractère particulièrement méprisant de cette insulte.

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