Profession de foi du candidat C.-J. Bonnet

En 1846, Claude-Joseph Bonnet se présente aux élections législatives pour l'arrondissement du Nord de Lyon. Voici le texte de sa profession de foi.

Messieurs les Electeurs,

Les amis de M. Claude-Joseph Bonnet l’ont déterminé, depuis quelques jours seulement, à accepter la candidature du Collège du Nord.

M. Bonnet se distingue éminemment par une complète indépendance de caractère et de position, par une raison et une conscience également droites et fermes et un parfait désintéressement, c’est-à-dire, par les divers genres de mérite dont l’absence a été si douloureusement déplorée dans la plus grande partie des derniers représentants de la France. Presque tous ont altéré la sainteté de leur mandat, en le considérant comme un titre à la faveur du pouvoir, ou à celle des partis, en le convertissant en un instrument de cupidité ou d’ambition. (…) Aussi les mœurs parlementaires sont devenues faciles, au point que tout est permis aujourd’hui à celui qui sait bien dire. Les artifices de la parole suffisent à couvrir toutes les ignominies, à légitimer les plus honteuses entreprises, et à mettre aux mains jugées les plus indignes de l’exercer. (…)

A un si grand mal quel est le remède ? Des élections sérieuses, pures dans leur source et dans leurs résultats, nous donnant autant que possible, des Députés qui se résignent, et non des Députés qui s’empressent. Elle est, certes, assez grande la mission du Député, pour mériter les respects de celui qui la donne et de celui qui la reçoit ! L’Electeur ne dispose pas librement de son vote, il appartient à sa conscience. Le Député ne s’appartient pas à lui-même, il est tout entier à la France, et il l’a trahit chaque fois qu’il substitue les calculs de son intérêt personnel au zèle de la chose publique.

Nous savons que M. Bonnet comprend, comme nous les comprenons nous-mêmes, les fonctions de député. Le sacrifice qu’elles lui imposeraient dans ses affaires, ses convenances, ses habitudes, serait immense ; cependant il coûterait peu de regrets à son dévouement ; mais ce qui effraie son patriotisme et sa modestie, c’est l’importance du mandat à remplir. Aussi a-t-il longtemps refusé de l’accepter, et les instances de ses amis pour l’y déterminer eussent été vaines, s’ils n’eussent évoqué la grande pensée du devoir, devant laquelle M. Bonnet s’est incliné toute sa vie.

M. Bonnet serait donc député malgré lui, et cette heureuse singularité nous attache particulièrement à sa candidature. Que pourraient sur un tel homme et les caresses du pouvoir et les subtilités des rhéteurs ? Ce qu’il veut uniquement, mais fortement, c’est le bonheur de la France, c’est la réalisation des conditions de sa grandeur, c’est le règne paisible de ses véritables libertés, au premier rang desquelles il place la liberté religieuse et celle de l’enseignement.

M. Bonnet devenant l’un des députés du Rhône, donnerait satisfaction à un vœu ancien et bien étrangement méconnu, qui appelle à la chambre un représentant de notre belle industrie lyonnaise, l’une des principales richesses de la France, il y porterait sa longue expérience commerciale, et l’exemple d’un grand succès obtenu par un travail sans reproche et le respect des droits de tous, il y rappellerait que l’on peut figurer parmi les heureux de la carrière industrielle, sans appartenir à la troupe chaque jour plus nombreuse de ces hommes sans entrailles qui brisent les petits, sous le char de leur fortune, et qu’il est non seulement glorieux mais utile de confondre dans une sollicitude commune la culture morale et religieuse avec le soin des plus vastes entreprises.

La candidature de M. Bonnet n’étant point l’oeuvre des partis et tendant à les réunir, doit provoquer toutes les sympathies honnêtes qui assurent et honorent une élection. D’autres collèges pourraient se glorifier de choix plus retentissants : leurs élus pourront être plus habiles dans l’art de la parole, plus disposés à mettre ou à accepter des mots à la place des réalités et des choses ; mais nul ne pourra nous opposer un député plus consciencieux, plus ferme, plus modéré, plus pur, plus homme de bien que le nôtre.

Bibliothèque Municipale de Lyon, Fonds Coste, 111467

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