Révolte de 1834: le point de vue du commis en soieries Jules Bonnet

Un mois et demi avant que n'éclate la seconde révolte des canuts, Jules Bonnet fait état de l'agitation qui règne dans la Fabrique, en particulier chez les ouvriers fabricants de peluche.

Tu as sans doute été informé de ce qui se passe ici depuis huit jours; aujourd’hui, l’exaltation des esprits chez la classe ouvrière est plus grande que jamais. Les craintes des fabriquants – je veux parler des fabriquants de peluche principalement – sont telles que presque tous ont expédié hors la vile, soit leurs marchandises fabriquées, soit leurs ballots de soie. Is ont agi comme si nous étions à la veille d’un pillage. Je ne puis te dire si leur conduite en cette circonstance est bien raisonnable et si le souvenir des événements de novembre n’augmente pas de beaucoup leur terreur. Ce qu’il y a de bien positif, c’est que les ouvriers comme à cette époque demandent une augmentation de salaire que l’état actuel des affaires, joint à la manière impérieuse dont leurs demandes ont été faites, ne permet pas de leur accorder. Ce qui est vrai encore, c’est que la masse des ouvriers ne veut pas travailler avant que l’on accaisse [sic] à leurs demandes. Les fabriquants, de leur côté, mettent de l’obstination et ne veulent rien accorder.

L’autorité qui a été consultée sur cet état de choses a répondu que les mesures les plus sévères étaient prises et qu’elle ne souffrirait pas la plus légère manifestation hostile. Je vais te dire comment tout cela a commencé.

Le fabricant de soierie Jules Bonnet en 1832
Jules Bonnet en 1832, dessin de Compte-Calix, Collection particulière.

Les ouvriers qui fabriquent la peluche sont convenus entr’eux qu’aucun d’eux ne travaillerait si cet article ne subissait pas une augmentation de 25 %. Comme je te le dis plus haut, on a fait part de cette décision à toutes les fabriques qui traitent ce genre d’étoffes par le moyen d’une lettre ou circulaire menaçante. Plusieurs fabriquants ont, outre cette circulaire, reçu des lettres dans lesquelles il n’était rien moins question que de les pendre (ceci n’est point un bruit, la maison dans laquelle je suis a reçu et la circulaire générale, et les jolies petites lettres). Tu sens que de semblables procédés méritent le mépris, aussi toutes leurs demandes ont été rejetées et on ne leur a tenu aucun compte de leurs prétentions. Indignés de cela, les ouvriers de peluche en trop petit nombre pour se faire à eux seuls justice par la force ont appelé leurs frères (faiseurs de gros de Naples, taffetas, satin etc etc) et depuis jeudi aucun d’eux n’a passé un coup de navette. Enfin, c’est lundi que doit se décider la question. L’opinion générale est qu’il y aura du bruit, fon fait beaucoup de paquets et je vous engage à ne pas croire bien des rapports absurdes, j’aurais soin de vous tenir au courant de tout cela.

Lyon 16 février 1834.


Lettre de Jules Bonnet, jeune commis, à son père à Jujurieux, Papiers Cossieu.

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