Soirée musicale chez Anaïs et Jules Bonnet

 Mozart et Rossini sont à l'honneur chez les Jules Bonnet où se trouve invitée Louise Durand. Récit d'une soirée lyonnaise en 1855.

Mme Bonnet nous invite pour sa soirée du samedi en nous disant qu’il n’y aurait que de la musique, qu’elle prévient bien que ce n’était qu’une soirée de musique. Nous arrivâmes à 8 heures,  déjà c’était commencé. M. et Mlle de Miramont étaient au piano. Ce morceau fut long mais très joli. Le salon était déjà envahi par beaucoup de dames, Mme Goiran entre autres, sa fille très parées toutes deux, Mme Jacques Bonnet et ses deux filles grandes et gentilles et beaucoup d’autres dames. Césarine fut très gracieuse, elle vint se placer près de moi.

Photo du château de Jules Bonnet à Jujurieux
Le château de Jules et Anaïs Bonnet à Jujurieux, dit « Pré Savoye », aujourd’hui appelé château des Evettes. Photo: Edgar Pansu

On joua continuellement, et les 1ers artistes, et des morceaux charmants et bien choisis. Il y eut un quatuor ou quintette de Mozart. Oh ! que Mozart est beau. Il y eut 2 flûtes :  M. de Miramont et Jules, ce morceau fut délicieux, il y eut piano et flûte, piano et basse, enfin tout cela admirablement entremêlé. Il y eut 3 morceaux de harpe et quelle divine harpe. Le 1er morceau avec harpe et piano. Second morceau avec la basse je crois et le 3e morceau avec flûte.

Rien n’a été délicieux comme ce dernier morceau. Il fut on ne peut plus joli. C’était « toi que l’oiseau ne suivrait pas[1] », le dernier du concert, vrai bouquet digne de terminer cette charmante soirée. Il était minuit et ½ et l’on ne s’était arrêté entre chaque morceau que le temps de faire passer d’abondants et délicieux rafraîchissements, gâteaux de toute sorte, fruits glacés, punch, vin de bordeau, vin de champagne, glaces délicieuses. Mme Bonnet gracieuse, empressée pour tout le monde, Jules très bon.

Le salon était éclairé par un lustre de 18 bougies, sur la cheminée 2 candélabres de six bougies chacun, en face 2 bras de 6 bougies chacun et 2 bougies sur le piano. Nous approchons de la cheminée, aussitôt Mme Bonnet vient auprès de nous et nous dit, Mon Dieu, voilà une grande contrariété, notre chanteur a été retenu, il chante demain à Saint-Jean (tu sais qu’il y avait à Saint-Jean une messe en musique à midi, où 200 chanteurs devaient chanter), on fait une répétition et on l’a gardé.

Tu as bien vu et compris que cette musique de Jules était une musique supérieure faite par les meilleurs artistes de Lyon, et gens qui ont l’habitude de jouer ensemble et qui ne supportent pas la médiocrité…

Lyon mardi 30 janvier 1855

Lettre de Mme Henry Durand à sa fille,(orthographe respectée), Papiers Olphe-Galliard


[1] Air de l’opéra de Rossini Guillaume Tell. Ecouter sur Youtube

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