Quand CJB rencontre YSL
Le musée des soieries Bonnet de Jujurieux, dans l’Ain, expose des robes iconiques du couturier Yves Saint-Laurent. Visite.
Quoi de plus naturel qu’un écrin noir pour présenter des pièces emblématiques d’une des stars éternelles de la couture, le styliste Yves Saint-Laurent, mort en 2006 ? La fabrique de soierie de Jujurieux fondée par Claude-Joseph Bonnet au XIXe siècle, temple de la soie unie noire sous le Second Empire, expose une petite vingtaine de robes siglées YSL. Installée dans une salle aux murs noirs, l’exposition, imaginée par le musée des Soieries Bonnet, s’est ouverte le 14 mai et durera jusqu’au 17 novembre 2024. C’est d’ailleurs face à une pièce emblématique des collections Bonnet que débute l’exposition : le « drap cyclope », pièce unie noir de près de 4 mètres de long.
Pièces iconiques
Les robes exposées proviennent d’une collection particulière rassemblée par Serge Liagre, collectionneur du sud de la France et créateur de la Villa Rosemaine. Passionné par Yves Saint-Laurent depuis des décennies, Liagre a patiemment acquis ces pièces lors de ventes aux enchères et auprès de collectionneurs privés. Sa collection offre un panorama fascinant de l’évolution du style et du talent de Saint-Laurent, avec des créations marquantes qui soulignent la diversité et l’originalité de son œuvre.
On retrouve donc à Jujurieux des pièces iconiques, telles que la robe Mondrian, incarnation des années 60, la saharienne ou le smoking pour femme. Mais aussi des tenus moins connues, comme un superbe ensemble jupe et chemisier d’inspiration d’Europe centrale.
L’éthique de la qualité
S’il fallait mettre en parallèle les soieries Bonnet et le travail de Saint-Laurent, c’est sans doute à travers l’exigence et le souci de la qualité, même si, comme le souligne la responsable du musée Nathalie Foron-Dauphin, les deux maisons ont des temporalités bien différentes : les soieries Bonnet ont existé de 1810 à 2002, tandis que la maison Saint-Laurent, fondée en 1962, est toujours active. A l’occasion de cette exposition, un projet de recherche conduit par Nathalie Foron-Dauphin vise à retrouver la trace des tissus Bonnet dans les œuvres de Saint-Laurent, car la maison Saint-Laurent était une grande utilisatrice de soie.
Autre rapprochement qui vient à l’esprit au regard de certaines des photographies affichées face aux robes, c’est le milieu très féminin dans lequel évoluait le couturier, qui avait établi avec les ouvrières de haute-couture une vraie familiarité. Celle-ci n’est pas sans rappeler le patriarche Claude-Joseph Bonnet, patron paternaliste au milieu de ses pensionnaires fileuses et moulinières. La comparaison s’arrête là, tant les deux personnages étaient radicalement différents.
L’audace
Bénéficiant d’un éclairage très réussi destiné à mettre en valeur les matières, les créations présentées apparaissent ici comme des joyaux, dont on aime observer les détails et la qualité des finitions. L’exposition, qui marie la haute couture et l’histoire industrielle, témoigne de la richesse du patrimoine textile français et de son influence durable sur la mode contemporaine.
Intitulée « Saint-Laurent, l’audace! », cette exposition est sans nul doute un coup d’audace pour le musée, qui présente une collection de maître dans la relativement discrète commune de Jujurieux.
Infos pratiques sur le site des Soieries Bonnet