Lyon et la soierie : une histoire inscrite dans les rues
Lyon, connue pour ses ruelles sinueuses et ses quartiers historiques, abrite une multitude de rues et de places aux noms évocateurs. La Rue Jacquard, la Place Chardonnet, la Rue Vaucanson, tous ces noms ont un point commun : la soierie. Ils ne sont pas le fruit du hasard, mais des témoins tangibles de l’histoire de Lyon, et plus particulièrement de l’importance de l’industrie de la soierie dans le développement économique et social de la ville.
L’industrie de la soierie a marqué l’histoire de Lyon. Dès le XVIe siècle, la ville est devenue un centre majeur de production de la soie en Europe, attirant ouvriers, marchands et inventeurs venus de partout. Cette histoire est inscrite dans les noms de ses rues, qui rendent hommage à des personnalités marquantes de cette industrie, des inventeurs révolutionnant le tissage aux industriels faisant fortune dans le commerce de la soie.
Voici une revue des rues lyonnaises liées à la soierie, mettant en lumière différents types de métiers représentés. Fabricants de soie, inventeurs de machines à tisser, marchands de soie, chimistes développant des techniques de teinture : autant de professions honorées dans la nomenclature des voies lyonnaises.
Il est à noter que certaines des voies mentionnées n’existent plus aujourd’hui. Effacées par les transformations urbaines de Lyon, elles n’ont pas été oubliées. Une section dédiée à la mémoire de ces lieux disparus est présente en fin d’article.
Rues du 1er arrondissement
Cour du Moirage
Attestée en 1854. Occupait l’ancien cloître du couvent des Feuillants, dans lequel l’Anglais Badger essaya le moirage de la soie, au XVIIIe siècle.
Place Chardonnet
Dénommée en 1928. Hilaire Bernigaud, comte de Chardonnet, chimiste et industriel né à Besançon le 1er mai 1839, mort à Paris le 11 mars 1924. Inventeur de la soie artificielle. A été dénommée place du Commerce avant 1842 et place du Perron jusqu’en 1928.
Rue Maisiat
Créée en 1870. Tisseur de soie renommé et professeur à l’école de la Martinière. Il a apporté plusieurs perfectionnements aux métiers à tisser dont le montage à tringle simplifiant la création de portraits sur soie. Né à Lyon le 12 mars 1794, mort à Charly le 19 février 1848.
Rue Rast-Maupas
Dénommée en 1858. Négociant et agronome, fondateur de la Condition des soies, né en 1731 à la Voulte, mort à Lyon le 27 mars 1821. A été dénommée rue au centre du Clos-Flandrin jusqu’en 1858.
Rue Vaucanson
Dénommée en 1829. Jacques Vaucanson, mécanicien grenoblois né en 1709, mort en 1782. Inventeur d’automates (notamment un joueur de flûte traversière), il fut chargé de l’inspection des manufactures de soie pour le roi de France. Il contribua à l’automatisation des métiers à tisser qui lui valut l’hostilité des ouvriers en soie.
Rues du 2e arrondissement
Rue Gasparin
Adrien de Gasparin (1783-1862), agronome de formation, était préfet de l’Isère lorsqu’il fut nommé à Lyon en remplacement du préfet Bouvier-Dumolard, pendant la Révolte des canuts de 1831. Bouvier-Dumolard s’étant montré, du point de vue des fabricants de soierie, trop conciliants avec les ouvriers, il fut révoqué par le gouvernement. Gasparin engagea une politique de fermeté à l’égard des revendications, qui se soldat par une semaine sanglante orchestrée par Adolphe Thiers en avril 1834. Son zèle lui valut des promotions qui l’amenèrent à occuper le rôle de secrétaire d’Etat puis de ministre de l’intérieur.
Place Gensoul
Joseph Ferdinand Gensoul (1766-1833) est l’inventeur d’un appareil utilisant le chauffage à la vapeur pour le dévidage des cocons de soie. Ce système, qu’il mit au point en 1806, fut utilisé dans de nombreuses filatures dont celles de l’usine Bonnet de Jujurieux.
Rues du 3e arrondissement
Rue Professeur Paul Sisley
Dénommée en 1938. Ingénieur chimiste, il a consacré son existence au traitement des soies aux usines Vullio-Ancel. Né à Lyon (3e) le 15 mai 1866, mort à Lyon (6e) le 23 février 1933. A été dénommée chemin des Tournelles puis rue des Tournelles jusqu’en 1938.
La rue du Professeur Paul Sisley est à cheval sur le 3e et le 8e arrondissement.
Rues du 4e arrondissement
Boulevard des Canuts
Dénommé en 1961. En souvenir des ouvriers en soie. A été dénommé Express-Way de sa création à 1961, nom provisoire.
Place Georges Mattelon
Dénommée en 2007. Né en Savoie en 1913, mort en 2004, Georges Mattelon a eu son atelier de tissage sur soie, 10 rue Richan, qui peut se visiter. L’association Soierie Vivante, co-fondée par Henri Pansu, a contribué à l’organisation des visites. Georges Mattelon a été meilleur ouvrier de France en 1955. Il est représenté dans son atelier sur le Mur des Canuts.
Rue Bély
Attribuée en 1870. Ébéniste, il a inventé la mécanique ronde à dévider la soie. Né en 1779 à Saint-Nicolas-de-la-Grave (Tarn-et-Garonne), mort à Lyon (1er) le 13 janvier 1856.
Rue Bony
Créée en 1870. Jean-François Bony, né à Givors (Rhône) en 1754, mort à Paris en 1825. Peintre, dessinateur de fabrique et fabricant de soieries.
Rue Chardonnet
Attestée en 1933. Hilaire Bernigaud, comte de Chardonnet, chimiste et industriel né à Besançon le 1er mai 1839, mort à Paris le 11 mars 1924. Il est l’inventeur de la soie artificielle.
Rue Claude-Joseph Bonnet
Créée en 1870. Après son apprentissage d’ouvrier en soierie, il devint fabricant et fonda des usines à Jujurieux et à Lyon. Né le 18 février 1786 à Jujurieux (Ain), décédé le 12 octobre 1867 à Lyon (1er). Il existait une « place Claude-Joseph Bonnet » qui a été absorbée par les rues adjacentes.
Rue Dangon
Créée en 1922. Claude Dangon, ouvrier en soie, né à Lyon vers 1550, il y est mort en 1631. Inventeur du métier à la grande tire, pour lequel un privilège lui fut accordé en 1605.
Rue Henry Gorjus
Commissionnaire en soierie, Henry Gorjus (1853-1925) fut l’adjoint au maire d’Edouard Herriot pour les 1er et 4e arrondissements de Lyon. Avant de porter son nom, la rue s’appelait auparavant rue de l’Enfance et avait abrité une petite usine de préparation des soies créée par la maison Bonnet.
Rue Jacquard
Créée en 1839. Joseph-Marie Jacquard, inventeur du métier qui transforma le tissage de la soierie en réduisant la main d’œuvre. Né à Lyon (paroisse Saint-Nizier) le 7 juillet 1752, mort à Oullins le 7 août 1834. Une rue Jacquard a existé dans le 6e arrondissement jusqu’en 1855.
Rue Jeanne-Marie Celu
Dénommée en 2014. Fabricante d’étoffes de soie, épouse de Jacques Ray, propriétaire du terrain. Née à Lyon (paroisse Saint-Pierre Saint-Saturnin) le 6 août 1780, décédée à la Croix-Rousse le 26 septembre 1846. Cette rue a été dénommée rue Célu de 1825 à 1849 et de 1852 à 2014, rue Descorle entre 1849 et 1850 et rue Manuel entre 1850 et 1852.
Rue Jean Revel
Dénommée en 1911. Dessinateur de fabrique de soierie. Né à Paris en 1684, mort à Lyon (paroisse Saint-Pierre Saint Saturnin- le 4 décembre 1751. A été nommée petite rue Saint-Pothin jusqu’en 1911.
Rue Lebrun
Dénommée en 1854. Charles-François Lebrun, homme politique, né à Saint-Sauveur en 1739, mort à Saint-Nesme le 16 juin 1824. Duc de Plaisance. A fondé, en 1805, un prix destiné aux auteurs de découvertes relatives aux industries de la soierie. A été dénommée rue Sainte-Catherine de 1831 à 1852 et rue Bernard-Palissy en 1849.
Rue Pernon
Dénommée en 1922. Camille Pernon, fabricant de soieries, né en 1753, mort à Sainte-Foy-lès-Lyon le 14 décembre 1808. Une Pernon a existé dans le 2e arrondissement dans les années 1830.
Rue Philibert Roussy
Dénommée en 1870. Philibert Roussy, fabricant de soieries, perfectionna la fabrication des étoffes façonnées et inventa un frein pour wagons. Né à Saint-Amour le 10 messidor an IV (28 juin 1796), mort à Lyon (3e) le 18 mai 1863.
Rues du 5e arrondissement
Impasse Turquet
Attestée en 1838. Étienne Turquet, l’un des introducteurs du tissage de la soie à Lyon, en 1536.
Rue Octavio Mey
Ouverte en 1863. Octavio Mey, fabricant, mort en 1690, inventeur du lustrage de la soie. Une rue Octavio Mey a existé dans le 4e arrondissement.
Rues du 6e arrondissement
Rue Chevillard
Créée en 1909. François-Marie-Edmond Chevillard, né le 29 avril 1842 à Lyon, décédé à Lyon (6e) le 3 janvier 1899. Fabricant de soierie. Conseiller municipal de 1881 à 1896, premier adjoint. Administrateur des Hospices.
Rue Godinot
Attestée en 1900. Adam-Pierre-Eustache Godinot, marchand de soie, membre du Conseil général du Rhône, président du Conseil d’administration des Hospices civils. Né à Lyon (paroisse Saint-Nizier) le 12 décembre 1760, mort à Lyon le 12 septembre 1818.
Rues du 8e arrondissement
Rue Hugues Guérin
Attestée en 1905. Né le 27 août 1764 à Saint Chamond, mort à Lyon le 7 décembre 1847. Il a dirigé la maison veuve Guérin soierie et banque de 1785 à 1847. Conseiller municipal et administrateur des Hospices civils. A été dénommée passage Linot.
Rue Chalier
Attesté de 1793 à 1796. Marie-Joseph Chalier, commerçant en soierie, chef du parti montagnard à Lyon, né à Beaulard (Piemont) en 1747 et guillotiné à Lyon le 16 juillet 1793. Figure emblématique de la Révolution française à Lyon, il devint rapidement un leader politique influent. Ses idéaux républicains et sa volonté de transformer la société le propulsèrent au cœur des événements tumultueux de l’époque, notamment dans son opposition aux Girondins. Cependant, sa trajectoire politique fut brutalement interrompue par son exécution par guillotine à Lyon le 16 juillet 1793. A noter que la rue Emile Zola dans le 2e arrondissement, baptisée du nom du romancier en 1902, s’est appelée Rue Chalier de 1793 à 1796 Elle s’appelait rue Saint-Dominique avant 1793 puis de 1796 à 1902.
Rues du 9e arrondissement
Rue des Mûriers
Créée en 2003. Cette dénomination a été choisie car elle rappelle une grande époque du textile lyonnais avec le travail de la soie et sa matière première les cocons.
Rues qui n’existent plus
Rue Badger (1er arrondissement)
Dénommée en 1854. L’anglais John Badger introduisit l’industrie du moirage de la soie à Lyon en 1753.A été dénommée rue Maurice de 1851 à 1854. A été absorbée par la rue du Bon-Pasteur.
Impasse Rast-Maupas (1er arrondissement)
Attestée en 1923. Négociant et agronome, fondateur de la Condition des soies, né en 1731 à la Voulte, mort à Lyon le 27 mars 1821.
Montée Berna (4e arrondissement)
Dénommée sans suite en 1877. Jean-Charles Berna est l’un des fondateurs à Lyon de la société d’instruction ‘primaire. Né à Mayence, en 1779, riche manufacturier de soie à la Sauvagère, près de l’ïle-Barbe. Mort à Lyon le 27 mai 1832. A été dénommée montée Bonaparte de 1853 à 1878. A changé de dénomination en 1878 : est devenue la montée Hoche.
Rue Déchazelles (4e arrondissement)
Créée en 1870 et renommée en 1933 et 1935. Pierre-Toussaint Déchazelles, peintre, dessinateur en soieries. Né en 1751, mort à Lyon le 15 décembre 1833. S’est écrit aussi rue Deschazelles. Un fragment a changé de dénomination en 1933 : est devenu la rue Bleton. A changé de dénomination en 1935 : est devenue la rue Anselme.
Allée Ringuet (4e arrondissement)
Dénommée de 1922 à 1967. Jean-Pierre Ringuet, dessinateur et fabricant de soieries, né en 1728 à Lyon, décédé entre 1769 et 1771.
Rue Bouchon (4e arrondissement)
Créée en 1922 et supprimée en 1987. Basile Bouchon, ouvrier en soie, inventeur d’un métier à tisser fonctionnant avec des aiguilles, XVIIIe siècle.
Rue Naris (5e arrondissement)
Attestée en 1814. Barthélémy Naris, fondateur, avec Étienne Turquet, de la première manufacture lyonnaise de soierie en 1536. A été absorbée en partie par la place Benoît-Crépu.
Cette liste a été établie à partir du fichier Open data des Archives Municipales de Lyon